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ANTISÉMITISME ET PANGERMANISME
Cependant, la défaite de la France en 1870 exalta chez les vainqueurs, comme en 1815, l’orgueil de lace et provoqua, sous le nom de pangermanisme, un réveil de la teutomanie, qui eut pour conséquence une recrudescence de l’antisémitisme. L’intolérance n’avait d’ailleurs pas cessé de posséder en Allemagne d’ardents défenseurs, dans les deux partis confessionnels, chez les protestants piétistes et conservateurs et chez les catholiques : en eux survivait l’esprit de réaction qui avait dominé dans ce pays à la suite (le la chute de Napoléon I er (1).
D’autre part, un double mouvement allait encore aviver les haines contre les Juifs. Un antisémitisme métaphysique, dont les Hégéliens d’extrême-gauche comme Feuerbach et de grands esprits comme Schopenhauer et Nietzsche étaient les adeptes, étendait jusqu’au christianisme son hostilité contre tout ce qui venait des Israélites (2). Mais ces doctrines heurtaient trop ^ostensiblement l’esprit des piétistes protestants et des cléricaux catholiques pour avoir une influence en dehors des milieux intellectuels. Car le souci de ces deux partis confessionnels était de concilier leur antisémitisme et leur amour pour Jésus. C’est, en effet, un Allemand qui eut l’idée ingénieuse d’essayer de prouver que le Christ n’était pas Juif (3).
Une théorie, qui n’a de scientifique que l’apparence, vint renforcer les doctrines de haine. Les pangermanistes prétendent que leurs compatriotes sont les représentants les plus purs de la race aryenne qui, d’après eux, constitue l’élite de l’humanité (4) ; d’où une double consé-
(1) Leven, p. 401. — B. Lazare, p. 239-240. — J. E., art. Antisemitism, t. I, p. 643 à 645.
(2) B. Lazare, p. 241 à 244.
(3) Àntisemiten-Spiegel, p. 132 et suivantes, Dantzig, 1892, cité par Bernard Lazare, p. 257.
(4) Après avoir formulé leurs théories, les pangermanistes se cherchèrent des précurseurs hors de leur pays ; ils trouvèrent un Français, le comte de Gobineau. En effet, cet écrivain, sans d’ailleurs en tirer