aurait été commis et imposer une forte contribution à tous les habitans.

Il est douteux que ces moyens violens réussissent, nous aimons mieux à beaucoup près ceux que pro­pose lauteur de la brochure n° 17.

Suivant lui la dépopulation du gibier tient à une épidémie. Il voudrait donc que dans chaque canton on nommât un médecin spécial chargé de veiller à la santé des lièvres, perdreaux, cailles, perdrix , et de leur prescrire lhygiène qui leur convient. Il-fau­drait empêcher le gibier daller le matin dans les herbes mouillées de rosée, de piétiner dans la boue, de picorer des grains avariés, etc., etc. Cest par le régime que lon se sauve, hommes et per­dreaux.

Supposant un dialogue entre deux chasseurs, lauteur de la soixante-quatrième brochure pose les questions suivantes :

Quelles sont, selon vous, les causes de la di­minution du gibier ?

Il ny en a quune.

Laquelle?

La maladie des pommes de terre.

- Il y en a une autre qui est plus considérable.

Qui est ?

Lémigrantisme.

Lauteur part de pour soutenir que le gibier français est atteint comme le paysan allemand du fléau de lémigrantisme. Un beau matin on voit tout à coup les lièvres abandonner une contrée : deman- dez-leur pourquoi, aucun deux nest capable de vous le dire. Seulement, ils traversent la frontière, vieillards et femmes en tête, et vont sétablir ail­leurs. Il faut croire quà certaines époques les ani­maux, comme les hommes, sont saisis du besoin irrésistible de changer de place ; les lièvres sen­nuient dans cette vieille terre de France, ils préfè­rent la Belgique, qui est un pays nouveau.

Quels sont les moyens de combattre le fléau de lémigrantisme?

U ny en a quun, dit notre auteur, cest de faire garder soigneusement h frontière et dexiger un passeport de tous les animaux, en attendant quon ait comblé les lacunes qui existent dans la loi sur la chasse en frappant dun fort impôt les lièvres et les perdrix à la sortie.

Le congrès des chasseurs délibérera sur ces gra­ves questions»

Le lieu ni lépoque de cette importante réunion ne sont pas encore fixés, les journaux ne contiennent même aucune induction à cet égard. lis se bornent à annoncer le congrès. On présume cependant quil aura lieu apres la distribution des prix de lExposi­tion universelle pour ne pas entasser solennité sur solennité.

Taxile Delord.

LE SILICIUM.

Monsieur le rédacteur,

Un chimiste de mes amis est entré lautre matin chez moi au moment je déjeunais.

Mon cher, me dit-il, je viens vous annoncer une grande nouvelle.

Laquelle ?

Cest que les couverts dargent dont vous vous servez ce matin, cette cuillère et cette fourchette que vous, maniez avec une certaine habileté ne vau­dront pas vingt sous chez un orfèvre.

Et pourquoi cela ?

Paree quon a découvert le silicium.

Je demandai à mon ami ce que cétait que cela.

Comment, me]répôndit-, voiis connaissez pas le silicium ?

- Du tout.

Vous navez pas entendu parler de nou­veau métal ?

Nullement.

Sachez donc que le silicium est un nouveau métal destiné à remplacer largent. Hâtez-vous, croyez-moi, de vous débarrasser de votre vaisselle plate avant que le silicium nait relégué largent au rang du vieux cuivre. Mais vous haussez les épau­les, il me semble.

Parbleu.

Je voudrais bien savoir quelle est la cause de cette profonde indifférence. Douteriez-vous de ma sincérité ?

Dieu men garde, mais cest que, voyez-vous, je réfléchis à une chose.

Quelle chose?

Cest que voilà bien, si ma mémoire est fidèle, le vingtième métal qui se présente pour remplacer largent. Navons-noïis pas eu dabord le maille- chort ?

Si fait.

Puis le métal dAlger ?

Daccord. .

Ensuite lalfénide.?

Jen conviens.

Enfin laluminium ?

Cest vrai.

Eh bien, le maillechort, lalfénide ont passé et largent reste.

- Dautres destinées attendent le silicium, soyaz- en sûr, la Providence a des vues sur lui. La preuve en est dans sa fabrication. Savez-vous avec quoi se fabrique le silicium ?

Je iignore.

Avec des morceaux de bois, avec de vieilles semelles de bottes, avec des cailloux, avec tout ce qui vous tombe sous la main. Auriez-vous par ha­sard un vieux paletot?

Non.

Tant pis, je laurais instantanément converti en sicilium. Jen ai fait hier avec des chaussons de lisière, des bâtons de chaise et un vieux chapeau.

-dessus mon chimiste me quitta pour aller an­noncer à ses amis la prochaine démonétisation de largent et les engager à prendre des précautions contre cette éventualité.

Quant à moi, monsieur le rédacteur, je ne prends pas aussi facilement lalarme. Je ne doute pas des qualités du sicilium, mais je crois quil ne parvien­dra jamais à dégoter largent. Ce métal est passé dans nos mœurs, il est devenu littéraire, les ro­manciers ne consentiront jamais à labondonner.

Croyez-vous que lorsquun conquérant entrera dans une ville, le romancier ose écrire que les éche- vins lui présentèrent les xlés de la ville sur un plat de silicium?

Pensez-vous quon dise jamais : Une modeste croix de silicium ornait le cou de Jeannette ?

Vous figurez-vous voir l'affiche de lOdéon porter en lettres flamboyantes :

LHONNEUR ET LE SILICIUM,

Comédie en cinq actes et en vers alexandrins,

Par M. Ponsard (de l'Académie française).

Que le nouveau métal fasse son chemin dans le monde, je ne my oppose pas, je nen garde pas moins mes couverts dargent; mais comme il est des personnes faibles que les propos de mon ami le chi­miste pourraient intimider, je vous prie dinsérer ma lettre dans votre plus prochain numéro.

Cela est dautant plus urgent que je viens de ren­

contrer M. Prudhomme portant en toute hâte son argent à la Monnaie.

Agréez, monsieur le rédacteur, lassurance, etc

UN ABONNÉ.

Pour copie conforme :

Louis Huart.

LES BOUQUETS DE THÉÂTRE.

Nous supprimera-t-on définitivement cet hiver les bouquets de théâtre ?

Nous fera-t r on cette grâce-ïà? aura-t-on le cou­rage de signaler comme les derniers des provinciaux ceux qui saviseront de lancer à la tête des comé­diennes et parfois même des comédiens {proh pudor!) des paquets de fleurs si monstrueusement extrava- gans?

est le bon sens, est la réserve quon doit toujours garder, même dans le délire de lenthou­siasme, est surtout lillusion scénique ?

Au moment dune situation pathétique ou [atta­chante, voici des bottes de roses et de marguerites qui viennent encombrer le théâtre et font éclore un épisode toujours ridicule, souvent burlesque.

Si le bouquet est seul, il faut que lactrice inter­rompe son rôle, savance vers la rampe pour le ra­masser, envoie au public toutes sortes de révérem ces, de sourires qui établissent au milieu de la pièce une parenthèse insupportable.

Si les bouquets sont nombreux, il faut que des bonshommes avec des casques dor sortent de la coulisse et viennent ramasser dans les plis de leur tunique toutes ces fleurs qui font ressembler la scè­ne à une jardinière renversée.

Melpomène elle-même nest pas exempte de ces sortes de bombardemens.

Na-t on pas vu à la dernière représentation de M 1U Rachel les planches du Théâtre-Français tou­tes couvertes de bouquets bordelais en grande par­tie qui pîeuvaient autour de Phèdre avec tant dbondance, quelle a failli être enterrée sous lava­lanche ?

Espérons que pendant son voyage aux Etats-Unis Mlle Rachel aura trouvé le moyen de mettre un frein à ces furies méridionales qui se traduisent par des tombereaux de fleurs.

Si même cette déplorable manie des bouquets de , théâtre émanait directement de nos mœurs, il fau­drait encore tâcher de nous en guérir le plus tôt possible.

Mais elle na pas même lhonneur dêtre dorigine française ; elle nous vient en droite ligne de lItalie qui a souvent si peu le respect delle-même à lé­gard des virtuoses, qui a lhabitude de saplatir de­vant eux, de leur dételer leurs chevaux et de leur lancer à la tête des poèmes épiques quand ils ont chanté passablement une cavatine.

La manie des bouquets est évidemment venue de : cest une triste importation du dilettantisme ul­tramontain qui se complaît si volontiers dans les grimaces et les contorsions absurdes*

Quoi ! nous défendons à nos comédiens de nous faire la moindre révérence, le moindre signe de tête quand nous les applaudissons, et nous allons nous amuser à leur lancer des fleurs à travers leurs rôles; nous les traitons comme des reposoirs.

Du reste, personne nignore la source réelle de ces pluies de bouquets.

Le père les lance ostensiblement du haut des deuxièmes galeries à sa progéniture qui débute. La tante place sans vergogne dans son cabas la cou­ronne de coquelicots destinée à sa nièce qui fait seS premiers pas sur les planches de lOpéra-Comique ou de lOdéon.