VINGT QUATRIÈME ANNÉE

VENDREDI 25 NOVEMBRE 1853.

fiurean delà rêdaelion et de ladministration, à Paris,

BUR DO CROISSANT, 16 (HOTEL COLBERT).

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LE CHARIVA

BULLETIN DU JOUR.

Le roi Othon vient douvrir en personne les cham­bres de son royaume. Sa Majesté hellénique leur a tenu à peu près ce langage :

Jen renvoyé. le précédent ministère parce quil ne respectait pas suffisamment ma prérogative royale et quil me paraissait trop dévoué aux puissances occidentales.

Neutralité! neutralité! voilà ma devise.

Je continuerai donc à rester neutre tout en chan­tant des Te Deum en lhonneur des armées russes toutes les fois que loccasion sen présentera, ce qui est malheureusement assez rare.

Des mesures sont prises pour faire fleurir plus que jamais le commerce, lindustrie et les arts dans mes états. Je songe sérieusement à réunir une expo­sition universelle à Athènes.

Je reçois les meilleures assurances des puissances étrangères; de mon côté, je ne demande pas mieux que de vivre en bonne intelligence avec elles. On a prétendu que jambitionnais le trône de Byzance, cest une pure calomnie, il y a bien longtemps que jy ai renoncé.

Nous devons ranger le brigandisme parmi nos industries nationales les plus vivaces et les plus prospères. Je veillerai au maintien de cet état, et je chercherai à laméliorer par tous les moyens possi­bles. Les puissances occidentales ont entravé lessor de la piraterie, espérons que cette situation fâcheuse nest que momentanée et que nos marins pourront bientôt reprendre le cours de leurs opérations.

Jai mis fin heureusement à une légère bisbille survenue entre lAmérique et la Grèce, et je compte bien terminer ainsi toutes celles qui pourront surgir. Neutralité ! Neutralité 1 je ne sors pas de.

Ce discours a produit une vive impression sur les chambres, qui se sont séparées aux cris mille fois répétés de : Vive Othon ! vive la neutralité !

Un procès assez curieux est sur.le point de com­mencer en Angleterre.

Quelques prêtres irlandais excités par la lecture des articles de léconomiste Coquille se sont réunis pour brûler solennellement ce livre dangereux quon appelle la Bible.

Cet acte si méritoire cependant a vivement blessé, à ce quil paraît, les susceptibilités de certaines per­sonnes, qui ont dénoncé le fait à lautorité. Une enquête a été ordonnée, et les auteurs delà brûlure,

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si brûlure il y a eu, seront traduits devant le jury,

Voilà pourtant comme les protestans entendent la liberté.

Quest-ce quun pays on ne peut pas seulement jeter au feu un livre aussi abominable que la Bible sans sexposer à comparaître en justice ? Ce nest certes pas Y Univers qui se conduirait ainsi. Les pas­teurs protestans pourraient brûler tout ce quils voudraient en fait de livres sans que Y Univers sen émût autrement. LUnivers est avant tout lennemi des persécutions.

La Prusse est devenue une puissance maritime.

Nous l'avons dit plusieurs fois, la marine et la tragédie grecque avec chœurs sont les deux préoc­cupations habituelles du roi de Prusse. La première même, quoi que quelques personnes en aient pu dire, lemporte de beaucoup sur la seconde. Jusquà ce jour la Prusse navait pu avoir de marine, parce quune marine suppose des vaisseaux et quil est difficile de concevoir des vaisseaux sans port,

La Prusse a maintenant un port.

Ce port lui a été cédé à juste prix par son altesse sérénissime le grand duc dOldenbourg. Moyennant la somme de un million huit cent cinquante mille francs laffaire a été conclue. Il faut convenir que ce nest pas cher pour un port de première qualité.

Cette nouvelle, accueillie dabord avec un vif en­thousiasme, a produit ensuite une sensation toute contraire quand on a su que lintention du gouver­nement était de soumettre tous les canotiers de Berlin à linscription maritime, afin de former plus rapidement lés équipages de la flotte.

Nous croyons peu à celte mesure, les canotiers de la Sprée sont trop peu nombreux et trop peu expé­rimentés pour former un noyau maritime quelcon­que. Sil sagissait des canotiers de la Seine, ce serait bien différent.

Quelques journaux annonçaient hier que lauto­rité autrichienne manifestait les dispositions les plus conciliantes dans laffaire du colonel Tür, et quune réponse satisfaisante avait été faite aux réclamations de lAngleterre. En attendant, le b rave'colonel est toujours prisonnier à Hermanstadt.

Il parait que lord Redcliff nest pas seul atteint de cette monomanie qui consiste à se croire le Grand-Turc. M. Coronioi, commandant du corps darmée autrichien dans les provinces danubiennes, est frappé de la même indisposition. Elle a même pris chez lui un caractère plus alarmant que chez lord Redeliffe, car nous navons pas entendu dire

que ce dernier ait fait arrêter personne sur les terres du Grand-Seigneur.

La maladie de lord Redeliffe ; et! de M. Coro* nini finira par devenir épidémique si lon uy prend garde. Tout le monde voudra être le sultan pour peu que cela dure. Il serait temps de couper le mal dans sa racine, et laffaire du colonel Tür nous paraît une excellente occasion pour cela.

Il ne s'est rien passé en France depuis notre der­nier bulletin qui mérite dêtre signalé à lattention des diverses parties du monde. Les artistes déclassés commencent à se consoler, et les industriels saper­çoivent quon peut ne pas avoir la première mé­daille et se bien porter sans cela.

On attend toujours avec une fiévreuse impatience les résultats du concours-Véron. Le célèbre docteur ne peut se présenter nulle part sans quaussitôt on lui demande des nouvelles de son mouvement litté­raire. On ne dit rien de celui de M. Buloz.

Taxile Détord.

MOYEN DUTILISER LES MACHINES JACOBI,

On sait quentre autres effets du blocus rigoureux exercé sur les côtes de la Russie du Nord par les croiseurs alliés, il faut compter la privation absolue dhuit,res fraîches pour les gastronomes de Saint- Pétersbourg.

Lempereur Nicolas, dimpérissable mémoire, na- vûît pas prévu ce résultat lorsquil envoyait lordre à son armée de passer le Pruth. Autrement il aurait pêut-être hésité à lidée dexaspérer toute une classe de la population russe. La passion des huîtres est absolue, féroce, exclusive comme celle du jeu. Elle égare les esprits et leur fait oublier leurs devoirs les plus sacrés. Ce fameux parti de la paix dont on a tant parlé depuis le commencement de la guerre et que bien des gens considéraient comme une utopie, un mythe, une mystification, existe réellement en Russie. Il se compose des mangeurs dhuitres.

On se rappelle leffet immense que produisit lan dernier, après le départ des croiseurs, larrivée su­bite à Saint-Pétersbourg de deux bateaux pêcheurs chargés de marée fraîche. La population toute en­tière se porta comme un seul homme sur le quai de la Néwa. Elle sélança à labordage des pêcheurs, qui vendirent leur marchandise au poids de lor. Us firent fortune du coup, et ils sont aujourd'hui assez