Numéro
13 NOVEMBRE 1924
TROISIÈME ■ SAISON ■ 1924 - 1925
■ BUREAUX : ■
B D LÉOPOLD II, 271, BRUXELLES
CHÈQUES POSTAUX
V. BOURGEOIS 108,016 ■Téléphone :685,67 b
P. BOURGEOIS, V. BOURGEOIS, P. FLOUQU
K. MAES, G. MONIER
EXPOSITIONS Pirandello à EIruxelles Le
Au Cabaret Graphique £ Rue de Ruysbroeck
L’œuvre graphique de Paul J00STENS
Sensibilité avide d’épanouissements profonds, Joostens est de ces artistes modernes dont l’intense réceptivité et la faculté d'illumination font de prodigieux instruments de création. Son œuvre n’est qu’une longue recherche de formes neuves d’une émotion plastique faite de sensualité lyrique; un pèlerinage ardent du désir d’exprimer cette multiplicité moderne, faite de formes et de lumière, de bruits et de parfums, mêlés.
Or. voici aujourd’hui, que s’offre à l’analyse l’œuvre graphique du peintre Joostens : près de cinq cents dessins, longuement médités en leur substance, réalisés d’un jet. Richesse et Variété. Voici le rare au quotidien uni, le relatif pénétré d'absolu, tout cela mû, équilibré, construit selon le prisme de la sensation subjective.
Voici, habile, toute l’oraison des sexes en formes offertes et prises, les villes croulantes d’arcs- en-ciel et de cris, ouvrant leur chair cubique sur le secret des fourmilières humaines. Né d’analyses intimes, voici, en équivalences harmonieusement abs-
A PROPOS DE « CHACUN SA VERITE » (Théâtre du Marais).
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sonorités anterieure
Tel, gonflé d’une poésie cérébrale et sensuelle à la fois, Joostens poète dispose d’un riche capital lyrique auquel puise un peintre expert à libérer le journalier de sa somme expressive et la traduire en rythmes, en joie plastique.
Remarquons cependant, qu’en ses œuvres les plus personnelles, la synthèse ne naît point toute de la libération des éléments simples que d’une transposition toute subjective du thème, prenant souvent forme de confession. Aussi n’est-il pas rare qu’une de ses œuvres déroute par son manque de plasticité. Ici, par exemple, la ligne combat la lumière qu’elle a pour but de définir. Là, l’envahissement désordonné de la couleur consomme sa propre destruction.
Cependant en bien des œuvres, l’émotion directe s’incline pour plus de plénitude, devant la physique de l’art et sauve l’œuvre... Cette riche collection de dessins groupe bien des influences. Confiant en une force qu’affirma maint renouvellement, Joostens ne s’y refusa jamais...
Mais il est temps! Trouvera-t-il la forme où sa vitalité fleurira de maîtrise? Nous le pensons, puisqu’il lui suffisait de se chercher un peu parmi tant d’efforts glorieux, et de choisir. Nous en traiterons lors de l’exposition de peinture qu’il nous promet pour le début de l’an.
Au Centaure
Marcel Caron
Un réalisme mystique initialement religieux, semblant propre à toute une génération de peintres nordiques expliquerait facilement le sentiment de ce peintre. Comme pour eux, l’ordre étrange qu’il réalise, en prêtant à puissance, autorise la création en marge des modes rationnels de la peinture, tout en leur permettant d’en utiliser la substance.
Pour expressionniste qu’elle soit, cette attitude s’aère chez Caton de toute la pureté que permet l’exercice d’une intelligence à la fois élégante et passionnée.
Libre sans anarchie, volontaire sans sécheresse, mais bien au contraire riche en lyrisme créateur, sa sensibilité consent à l’action régulatrice de la pensée et courbe les éléments simples de son désir selon des thèmes précis dont la cérébralité révèle la profondeur.
Grâce à cette alliance voyons-nous le mouvement des forces colorées, trouver une place définitive et fleurir en volumes pleins de sève, et proprement picturaux. Pierre FLOUQUET.
PIRANDELLO
Pirandello, génie subtil, inquisiteur et conquérant, se moque prodigieusement de la masse du public, lui mettant constamment Peau à la bouche.
Technique ; en superposition et non plus en déroulement. Pirandello a déplacé le centre d’attraction dramatique : ni l’intérêt d’action (avec intervention de l’extérieur) du théâtre classique, ni l’angoisse du symbolisme. Dans « Chacun sa vérité », il investit l’âme du spectateur par le moyen d’une double curiosité, philosophique d’une part, incomplexe ou vulgaire également. : lequel des deux est fou? Y a-t-il une vérité? Il ne donne en pâture aux gens que tout juste de quoi exciter leur faim jusqu’au bout. Merveilleux dosage de doute. « Chacun sa vérité » renouvelle un problème rebattu, au moyen d’un fait-divers. Mais le problème philosophique, au lieu de nuire au « drame », en est le moteur.
Une technique neuve s’imposait à une interprétation nouvelle de la vie. Or Pirandello retourne le monde pour voir ce qu’il est en-dessous. Autrement dit, il décompose. Il exerce sur le public la même impression que Lambert Laudisi sur son entourage : il l’ébouriffe en le démasquant devant un miroir. Il peut à la fois plaire aux plus intelligents et aux imbéciles, ceux-ci trouvant à s’identifier à la majorité des personnages. Il répugne aux gens du « milieu »». Conclusion : « Chacun sa vérité » est un four.
Drame. Pirandello morbide? Même pas grave. Né sous le signe du relatif, son ironie est naturelle mais implacable. Il racle jusqu’au fond l’âme de ses personnages et provoque un rire intérieur et douloureux.
Pirandello est double, selon qu’on le regarde de biais ou de face.
Paul WERRIE.
7 Arts fait une enquête sur la situation internationale du Modernisme. Premières réponses : ROUMANIE - SERBIE - POLOGNE
Mouvement Moderne International
SUISSE
LE THEATRE CO-OP.
Le Théâtre Co-op est un embryon. Il naquit, il y a quelques mois, lorsque l’Union Suisse des Sociétés de Consommation (U. S. C. ) décida de participer à l’Exposition Internationale de la Coopération et des Œuvres Sociales à Gand (i 5 juin- 1 5 septembre 1924).
Le rôle de ce théâtre est d’exprimer au moyen de la pantomime (il doit être intelligible en tous pays) quelques idées fondamentales du mouvement coopératif suisse. Ces épousailles du commerce avec l’art sont bien faites pour enthousiasmer des artistes de l’époque. Mais combien épineux s’offre le chemin! Il s’agit d’éviter à tout prix les précipices creux et sans fond du symbolisme et des allégories. Seules sont dignes d’intérêt, dans ce cas, des tranches de vie où s’engouffrent un maximum d’observations psychologiques. Et qui dit vérité affirme fantaisie. Ergo celle-là. enguirlanda celle-ci.
Est-ce à dire que nous présentons un « Théâtre de marionnettes »? Non. Comme il faut faire exposer les avantages d’une méthode, il est nécessaire, afin de rendre plus net l’effort, d’établir une opposition .
Nous employons donc la poupée (d’une grandeur naturelle à l’homme) et qui est représentative de l’ancien, du désuet, de l’adversaire, tandis que nous exprimons le principe coopératif au moyen de personnages vivants qui, grâce à leur souplesse, à leur malléabilité, trouvent aisément les moyens de vaincre et de s’imposer. C’est Jà, donc, que réside l’originalité de l’effort, dans cette opposition. Il est facile de pressentir dans ce système des sources nombreuses d’émotion, de larmes, et de rires, mais il est impossible de les extirper avec succès par ce premier coup de bistouri. L’opéré — le théâtre — est de constitution solide. Il saura réagir. Mais, pour travailler fermement et pour être en pleine possession de sa force, ne devrait-on pas pouvoir encapuchonner de l’indispensable masque d’éther, le Public? Pendant l’opération, il serait urgent qu’il dorme car il n’admet que la convalescence et la guérison. Malheureusement c’est précaution impossible et peut-être injuste. Mais à vrai dire, qu’importe! Nous sommes solidement musclés...!
HANNES MEYER, BALE & JEAN-BARD, GENÈVE
Le Théâtre CO-OP