Numéro

TROISIÈME HSAISON B 1924 - 1925

B D LÉOPOLD II, 271, BRUXELLES

CHÈQUES POSTAUX

V. BOURGEOIS 108,016 HÏéléphone :685,67b

p. bourgeois, v. bourgeois, p. flouquet, k. maes, g. monier.

au Ravenstein

Les Peintres

Adler et Seiwert

Toute idée créatrice procède d'un ordre vivant et se développe par l'organisation. Le désordre appa­rent qui préside à sa naissance ne résiste pas à l'exercice prolongé de son acte. Se révélant, sa logique impose l'ordre nouveau, et conquiert.

Ainsi l'esprit n'est vivant que pour autant qu'il se meut, l'idée vivace et conquérante qu'en son désir précis d'évolution et de renouvellement.

Plus que toute autre forme plastique moderne, lart expressionniste assure sa durée par le renou­vellement intensif de ses formes et de ses moyens.

Adler le sait et le professe.

Appliqué à trouver en la face quotidienne de la nature un visage plus mobile, plus riche d'intimi­, il désire en fixer la subtile entité, sans se ré­soudre cependant à lisoler en formes subjectives et abstraites.

Aidant cette présence profonde, il la réalise en la rythmant et la pénétrant de plastique objective Alchimie qui prête aux plus subtils et plus divers mécanismes.

L'utilisation des matériaux est curieuse. Sché­matisant la physique même de son art, Adler mêle diverses matières, terre, cendres, verre pilé, etc. à ses couleurs, de manière à donner aux plans un volume réel.

Ces volumes extra-picturaux possèdent des va­leurs sensuelles diverses et se rythment entre eux. Lesprit fugitif de la ligne pénètre avec délicatesse la brutalité de ces volumes, les survole, définissant comme secrètement la forme. Des imitations de bois, marbre, etc. en harmonies troublantes axent lunité intérieure de l'œuvre. Elles sanglotent, prient, vivent les sentiments refusés aux visages tendres d'impassibilité des personnages.

Admis le but qV Adler se propose, le transfert de son désir, la refonte des règnes, l'anormalité picturale de son art se résorbe. Et l'unité expres­sionniste se construit, rythmant trompe-l'œil et trompe-lesprit au mieux d'une vérité métaphysi­que. Fin atteinte en soi par l'exercice des moyens qu'elle détermine. Canons rationnels et critères usuels de beauté s'écroulent devant le principe de finalité plastique. Ici, l'idée crée et dirige. De, la poésie intensément cérébrale de cet art.

P. F.

B

F.-W. Seiwert

L'évolution de ce peintre est conforme à celle de nos « plastiques purs », quoique montrant plus de lenteur à abandonner les rythmes imitatifs.

Son envoi à Maldoror comporte deux périodes typiques que nous pourrions dire l'une, antérieure, de plastique pure sentimentale; l'autre, récente, dadaptation plastique pure, présageant une com­plète ratification de l'art « plastique pur » propre­ment dit.

Les œuvres de cette première période vivent un coloris émouvant dont la réalisation constructive utilise la qualité architecturale primaire de l'élé­ment figuratif. La forme en est fort personnelle. L'ivresse métaphysique des nombres en soutient l'esprit. L'anonymat sentimental de l'Homme- Machine y propose son pessimisme interrogatif. Mais cela est déjà bien moins un problème que le peintre se pose que le désir net, mais insuffi­samment cristallisé encore d'une mesure neuve.

La seconde forme, celle des compositions mono­chromes, atteint par d'organiques harmonies une simplicité du plus sobre et plus puissant lyrisme.

Préconçues, composées avec une science exacte et sensible, ces harmonies de couleurs et de lignes s'efforcent et réalisent la synthèse de plastique pure.

Pierre Flouquet .

au Centaure

Micha

Vivant de rappels trop certains que pour nous émouvoir cérébralement, la sensibilité picturale de Micha s'amenuise en nuances survit l'amor­phe impressionnisme.

Que de fautes essentielles cachent ces « flous » et ces « étirements » de tons!

Certes, les fleurs qu'il offre témoignent d'une analyse fort intime de latmosphère dont elles vivent. Mais la synthèse odorante qu'elles pres­sentent plutôt quelles ne fixent aurait besoin de condensation et surtout d'une intelligence plus totale des exigences rythmiques de l'œuvre pictu­rale.

Plus fixe en ses buts, plus sffr ; de ses moyens. Choisie une discipline dont laridité serait garante dun développement intérieur, Micha aura encore à éviter ce néo-classicisme auquel il tend parfois à moins quil n'en adopte le principe et ne séques­tre définitivement ses aspirations créatrices.

P. F.

= Lanterne Sourde

Le Jeudi 8 Janvier, à 8 h. jo du soit, en la SALLE NOUVELLE, 11, rue Ernest Allard (près du Gtand-Sablon),

Auguste VERMEYLEN

ECRIVAIN et CRITIQUE dART FLAMAND, Professeur à VUniversité de Gand, fera une con­férence intitulée :

Lettres Flamandes dAujourdhui

B B B

Music-Hall Bruxellois

S'il ne se dépouille point de ses friperies con­ventionnelles, le music-hall deviendra, de plus en plus, le parent pauvre des spectacles.

Et pourtant, quelles richesses de divertissements ne peut-on extraire de ces courts « numéros » ral­liant les fantaisies divergentes d'un public hété­rogène.

Mais à d'autres préoccupations questhétiques obéissent généralement les managers de ces spec­tacles et beaucoup d'artistes ne peuvent se déga­ger d « effets » héréditairement transmis; ceux-ci ne répondent plus à nos désirs de maximum de beau dans le maximum de simplicité.

Le décor, élément capital dans la plupart des numéros, devrait toujours être synthétique à l'ex­trême afin de ne pas écraser ou vulgariser le tra­vail des artistes; généralement, il révèle de l'in­compétence ou du mauvais goût.

Ceux du Palais d'Eté sont particulièrement mau­vais; lorsqu'un artiste paraît sur cette scène sans disposer de ses propres décors, il peut être certain que son maximum de rendement est dangereuse­

ment compromis.

Le programme actuel ne sort pas de la bana­lité pour les principales raisons énoncées ci- dessus.

Si vous voulez, cette semaine, voir du bon music-hall, contentez-vous le soir, dans la ville bruyante, de regarder le ciel escamoter des ré­clames lumineuses.

A. D.

B B B

Economie

(Suite)

Après ce que nous appelons le problème véhi­culaire, vient le problème administratif, qui, lui aussi, est bien loin d'être résolu pour le bien de la cause.

Qui nous donnera les obscures raisons des sta­tions interminables en des lieux nous ne de­vrions que passer dans les bureaux de postes et autres sanctu.aires du temps perdu celui à la recherche duquel personne ne semploie?

Qui nous rendra sensible lanachronique spec­tacle de î'agentÉ Li tram, courant d'un pas ingénu, changer?ïaiguillagBlde la voie?

Avec un balai à peine plus grand que celui dune ménagère, l'agent de la voirie balaie quotidienne­ment des boulevards de 10,000 mètres carrés un autre, avec un bâton, allume chaque soir de longues séries de réverbères. Nous avons tous, du reste, admiré la très pure plastique de ces réverbè­res de même que celle de leurs très dignes répliques les bornes postales, mais qui donc nous dira et nous fera comprendre à force de chiffres et de sta­tistiques, ce que coûtent aux finances publiques cette vaine ornementation, à la santé esthétique des citadins, ces germes de mauvais goût?

Peut-être nous prouverait-on un jour que sans ce gaspillage nous posséderions en plus quelques hôpitaux, une pure et sobre école d'art.

Certes, nous sommes bien forcés de constater que quelqu'affirmé que soit le principe économi-' que, il est loin encore de régir d'une manière effi­cace dans son homogénéité une organisation d'en­semble. Pourtant, l'homogénéité est bien la mar­que d'une grande période d'art, quelle que soit son expression spirituelle dominante, et cette ho­mogénéité est bien l'indice critique de ce que nous appelons « sa force d'art ».

Qu'il s'agisse d'architecture ou d'orfèvrerie, le style gothique, par exemple, nous propose une esthétique identique.

Que ne puissions-nous en dire autant actuelle­ment!

C'est ici que s'avère opportune l'intervention de la critique; il serait souhaitable que cette criti­que soit sévère pour l'efficacité de son action et que nous subordonnions résolument la critique abstraite, individuelle, à une critique de concrétion une sorte de censure équarrisseuse, et surtout, efficace dont le critérium serait pour tous l'obli­gation de créer.

Mais créer fonctionnellement.

Créer en fonction de la vie pour lobtention d'un maximum.

CENSURE! le terme est fort, mais il est juste.

Il serait vain et prochronique d'escompter de l'actuel sentiment critique une action quelconque dans ce sens, sa vertu extra-souple et complaisante ayant amené aux choses de l'art des créatures qui n'avaient qu'y faire.

Jamais dans une assemblée de gens oisifs, ou en l'exhibition, on n'entend parler d'embryologie, de haute mathématique ou de science politique, mais