Numéro

HEBDOMADAIRE DINFORMATION ET DE CRITIQUE

TROISIÈME SAISON! 1924 - 1925

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Le mouvement

moderne international

ARGENTINE

Un article significatif de la

Revista de Arquitectura

L'importante revue argentine Revista de Arqui- tectuta (Calle Lavalle, 341, Buenos-Ayres), or­gane officiel de la Société Centrale des Architectes, consacre l'article de tête de son numéro 47 à un essai d'Esthétique Contemporaine signé Ernesto E. Vautier et Alberto Prebisch.

Illustrée, cette étude comporte une exaltation des principes modernistes et leur application à une cité type de la province de Tucuman.

Quoiquil soit hasardeux de résumer un article traduit, il nous paraît nécessaire de montrer par quelques courts extraits combien les principes nou­veaux se répandent, lentement mais sûrement, à travers le monde... Après la période tapageuse de quelques attitudes d'avant-guerre, est venue la progression humble, tenace, limitée peut-être mais profonde...

« Tovte manifestation artistique est -une- con­séquence de Vesprit de Vépoque dam laquelle elle se produit. Elle doit être comprise selon cet esprit. »

Hélas, que de formes traditionalistes empêchent cette communion! En Europe surtout.

« La vieille ville soppose à la création dun or­ganisme nouveau qui réponde aux nécessités nou­velles de lexistence. La sensibilité maladive du passé, le culte gcotesque des traditions font obsta­cle aux exigences contemporaines. »

Cependant des hommes avertis, hélas peu nom­breux, s'efforcent de créer un esprit nouveau...

« La sensibilité aiguë de certain créateur se dresse ainsi quune antenne puissante dans latmo­sphère spirituelle du temps. »

Des résultats cependant sont difficiles à conqué­rir. Si lon concède assez facilement la vérité des principes modernes, rares sont ceux qui en com­prennent les vibrantes applications.

« Ceci est du à la nature de lart moderne qui, par sa concentration, sa subtilité, son caractère émi­nemment spirituel et tendant de plus en plus à labstraction, présente peu de chemins accessibles à la compréhension limitée du public. »

Toutefois, le découragement serait naïf. En art, la volonté finit toujours par être victorieuse. Dau­tant plus que notre idéal s'accorde avec lévolution de la civilisation : contentement des besoins, mé­nagement des forces.

« Lœuvre utilitaire exige des certitudes dordre technique et relègue la fantaisie individuelle. Lœu­vre humaine, épurée, simplifiée par la loi fatale de léconomie trouve sa perfection en des lois naturel­les. La machine nous indique lesprit de notre époque.... »

Il serait difficile, dans le cadre étroit d'une ga­zette hebdomadaire, de montrer en détails les pro­jets de MM. Vautier et Prebisch.

« La petite cité qui illustre cet article constitue un type des petites agglomérations disséminées au­tour de la ville de Tucuman le long des voies fer­rées et assurant à ses habitants les avantages de la ville en même temps quune saine vie rurale. Chaque espace libre, chaque rue, chaque lot a été créé dans un but utilitaire bien déterminé. »

Citerons-nous quelques méthodes? A chaque quartier une fonction précise. Celui des usines, isolé des habitations par des rideaux darbres, est desservi d'un côté par le chemin de fer, de l'autre par les voies importantes.

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les rues à circulation intense et les rues desservant les habitations. Les premières prolongeant les voies daccès à la Cité, larges et sans détours brus­ques, permettent la circulation aisée des Camions qui se rendent de la région agricole aux usines. Les secondes plus courtes et plus étroites sont cal­mes et propres au repos. »

Les édifices dintérêt collectif se distribuent orga­niquement autour de la place centrale, dont nous donnons une perspective : Maison du peuple, Hal­les, Postes et télégraphes. A proximité, Eglise et locaux de la police et des pompiers, bains publics.

Les abattoirs sont construits à l'écart : ce qui évite la traversée de la ville par les animaux.

« Enfin le cimetière (avec son four crématoire et sa chapelle), situé sur un terrain irrégulier et éloigné, domine la cité et en son point le plus élevé un monument aux morts rappelle le passé aux vivants. »

Le restant de la ville montrant du présent aux vivants : ce qui paraît, hélas, autrement difficile, et dont il faut féliciter fervemment Vautier et Prebisch.

Les Conférences

de la Lanterne Sourde

François CRUCY parle de Walt WHITMAN

Si par le gros succès de public quelles suscitent, les conférences de la « Lanterne Sourde » se ressemblent, quelle diversité de conférenciers, au contraire! Après Vermeylen, Crucy.

Le premier représente le technicien généreux. Sa voix et son geste perpétuellement aident et re­dressent l'attention du public. Conduit et dit avec maîtrise, lexposé ne révèle jamais des soucis fac­tices dart oratoire : la ferveur anime tout. Aussi, un conférencier ne commandant qu'à la condition de se donner, Vermeylen domine-t-il son audi­toire. Et la partie flottante du public est gagnée à sa thèse. Provisoirement du moins. Ce qu'il fallait démontrer, dirait un mathématicien.

Léon Bazalgette, un des premiers traducteurs français de Walt Whitman, nétant pas orateur, conseilla aux directeurs de la « Lanterne Sourde » de sadresser à François Crucy. Celui-ci commença par déclarer, jeudi dernier, qu'il nétait pas con­férencier. Chose extraordinaire, ce n'était pas une formule de politesse. Dès les premiers développe­ments, les auditeurs devaient faire effort pour sui­vre une voix monotone et lasse. Si jajoute que lécrivain français occupa longtemps la tribune, tout le monde comprendra que les habitués de la « Lanterne Sourde », attentifs et sévères comme tout public d'élite belge, furent à la sortie rigou­reux. Evidemment on entendit le

« Notre intelligence a été Crucy... fiée ce soir.»

Et tout cela par suite de l'insuffisance verbale de lorateur. Il nous paraît, en effet, que le por­trait de Whitman tracé par Crucy offrait une ma­tière spirituelle beaucoup plus abondante que la moyenne des conférences. Critique vivant, lora­teur justifiait sa louange par des croquis divers du présent et du passé, de la politique et de la pen­sée. Pour définir le dynamisme insatisfait du gé­nial américain, Crucy ne nous a-t-il pas évoqué la vie diurne et nocturne d'un gratte-ciel d'af­faires? Ce parallèle est pathétique : le poète ayant donné la figure immortelle de laudace, une même conception aventureuse délivre lindustrie et le commerce.

Dautre part, cette comparaison Schiller Whit­man dans un même thème « Salut au Monde » ne détermine-t-elle pas avec bonheur combien puissamment lauteur des « Feuilles d'Herbe » devance son temps? Heureux aussi ce texte de Goethe qui chante la vertu créatrice de l'époque moderne. Crucy mêla au surplus à sa paraphrase La Fayette et la Guerre 1914-18, la mentalité française, le monde des quakers, etc., etc. Ce fut donc, à propos dun chantre exalté de la vie et selon les caprices dune intelligence curieuse et ardente, une conférence uniforme et traînante. La voix a tué pour les spectateurs la vie de les­prit.

Esquissant l'idéal de la jeune littérature améri­caine, Crucy constata que par delà l'Océan, Whit­man est considéré par les novateurs comme une force encore chaude de vie active, tandis que les jeunes Européens rangent Whitman parmi lhis­toire : phénomène mort.

Quant à moi, je considère Whitman comme autrement utile à la formation intellectuelle dune jeunesse littéraire que la plupart des snobs dadaï- sants et leurs frères en impuissance, les néo-classi­ques. Pierre Bourgeois.

P. S. Notons enfin que Mlle De Kèysel a lu avec discrétion et une belle exactitude senti­mentale deux poèmes de Walt Whitman.

il

Place centrale

dune Cité en la province de Tucuman

Vautier et Prebisch

ARCHITECTES