HEBDOMAI
Numéro
19 FEVRIER 1925
TROISIEME ■ SAISON ■ 1924 - 1925
BUREAU
H,
CHÈQUES POSTAUX
V. B0UR0E0IS 108,016 ■Téléphone :685,67 b
P. BOURGEOIS, V. BOURGEOIS, P. FLOUQUET, K, MAES, G- MONIER.
INCESSAMMENT, LE FACTEUR PRÉSENTERA LA QUITTANCE DES ABONNEMENTS EN COURS. AFIN DE RÉDUIRE AUTANT QUE POSSIBLE LES FRAIS DE RECOUVREMENT, NOUS PRIONS NOS ABONNÉS DE DONNER DES INSTRUCTIONS POUR QU'A LA PREMIERE PRÉSENTATION les REÇUS SOIENT ACCEPTÉS.
De nombreux lecteurs ne nous ont pas encore signalé leur choix au sujet de la prime. Nous attendons leurs instructions à ce sujet.
Lin
« UN ESSAI MALHEUREUX ».
Le Samedi 14 février s'ouvrait à la Salle Nouvelle le Cinéma du Cabinet Maldoror. Un public restreint mais choisi avait répondu à l'appel des organisateurs. Qu’importe le nombre, d'ailleurs, dans une entreprise de ce genre : pour susciter des discussions fécondes autour du septième art, la présence attentive d'une élite suffit. C'est pourquoi nous attendions avec confiance, T autre soir, le début du premier spectacle...
Vint d’abord à pas lents le conférencier, M. Marcel Lecomte. Pendant quelques minutes il parla. Puis il descendit de l'estrade à pas lents...
Jusqu’à ce moment, rien ne s'était passé.
M. Lecomte a^t-il voulu étonner l’auditoire? Je crois que oui. On connaissait une forme vivante, chevaleresque si j'ose dire, du dadaïsme : cliquetis d’insolences, chatoiement d’inventions.
M. Lecomte, conférencier, lance le genre : dadaïsme mollusque. Solennité, monotonie, lenteur... pour n'exprimer aucune idée. Un véritable bonze occidental. Du point de vue de la caricature, une réussite. Le contraire d'une conférence : la parole publique n'a de sens que dans la volonté de communication immédiate. L’éloquence ne nécessite-t- elle pas la création de courants divers pour engager le public à vivre dramatiquement l’effort de pensée?
Ton traînard, exposé uniforme. Oui, M. Lecomte a certainement voulu montrer ce que ne devait pas être une causerie.
Résumons-nous: gageure. Inopportune, croyons- nous. Dans une lettre adressée à la presse, le directeur du Maldoror écrivait :
« Cabinet Maldoror donne la parole au Cinéma. Qu’il se défende. »
M. Lecomte a sans doute estimé que dès lors il était superflu de dire quelque chose : il a lai ssé parler le Cinéma.
Celui-ci comptait sans doute sur le conférencier : lui non plus n'a rien révélé. Quelle présentation î Un cinéma de quartier d'une petite ville ne se permettrait pas de telles défectuosités. On m’assure que quelques artistes ont pu assister avant la représentation à des essais. Il est incompréhensible que décision n'ait pas été prise de remettre la séance. Ce fut en effet une mauvaise soirée pour l’art : une fois de plus on déclarera que les modernes sont des gamins.
Heureusement que certains groupes apportent à la présentation de leurs conceptions un soin qui réduit à rien cette généralisation.
Il n'y a d'ailleurs en tout ceci qu'imprudence, indice peut-être d’enthousiasme irréfléchi.
Avec infiniment de bon sens, les organisateurs ont arrêté le spectacle. Qu’il leur soit beaucoup pardonné pour ce geste qui nous permet de leur souhaiter une éclatante revanche. Le Cabinet Maldoror doit à son passé vivant, généreux, audacieux, de gagner la seconde manche. Pierre Bourgeois.
Dissertation sur la joie collective . — Pourquoi le Carnaval agonise-t-il? — Regret d’un citadin païen.
Parmi les plus expressives manifestations esthétiques ne faut-il point ranger les grandes fêtes collectives? Non pas que les choses vues ou entendues soient conçues selon les lois de l'art, mais parce que leur somme constitue un événement créateur, indépendant des parties... Je pourrais citer maints exemples: le chatoiement de mille drapeaux médiocres ou laids même forme un admirable ensemble plastique. Telle est la vertu réconfortante du nombre docilement au service de La qualité : la joie grossière des masses est subtile à qui la pénètre avec ferveur et discernement.
C’est pourquoi lamentable apparaît la fin de toute réjouissance publique. De la mort du Carnaval, diverses explications on? été formulées. Les uns estiment que la contrainte du carême cessant, inévitable était la disparition de son adversaire : le divertissement. D'autres attribuent à la permanence des plaisirs dans nos villes la défaveur qui s'est peu à peu abattue sur les fêtes classiques. Certains enfin pensent que la longue épreuve de 1914- 18 a précipité la chute des amusements fous.
Nous croyons que Carnaval meurt parce qu'il a négligé de s'adapter et d'inventer. Alors que ce condensé de joie qu'est le Carnaval se limitait aux formules anciennes, les réjouissances normales des villes tentaient de savoureux renouvellements.
Commenterons-nous longuement ce fait? On peut dire qu'un cortège carnavalesque est une cérémonie où l'on voit des costumes pas originaux et où on entend des airs connus. (Au contraire d’un étalage de couturier ou de modiste, donc....) Comment, dès lors, susciter irrésistiblement unanimité d’allégresse violente? Le résultat, le voici : Monsieur, Madame et les enfants, du restaurant dont ils sont les habitués, contemplent placidement la folie (?) qui passe...
La joie, plus peut-être que l’héroïsme, est un mythe qui exige des conducteurs puissants et, dès qu'un esprit fatigué de routine présidait à son organisation, Carnaval devait mourir.
Bals et cortèges ne sont d'ailleurs que des incidents de Carnaval. Toute une population dans une rue fiévreuse obéissant à des rythmes et des gestes de joie, voilà son âme. Il ne s’agit point ici de diviser acteurs et spectateurs. Tout le monde exulte ou Carnaval est blessé, les badauds étant ses plus dangereux ennemis.
Or, à Bruxelles, il n'y a plus que des « curieux ». Et nulle curiosité à voir d'ailleurs.
Pourquoi quelque commerçant ingénieux n'a-t-il pas utilisé la force comique des découvertes modernes? Le progrès de la mécanique autorise cependant une féerie ambulante du rire... Et l'électricité? La bouffonnerie d'un éclairage fantasque... Et les instruments?
Si l'on avait appelé le pouvoir de plaisanterie de la science au secours de la joie publique, Carnaval mourrait-il? Ainsi l'esprit moderne qui est la condition de salut de l’humanité au laboratoire et en méditation, peut aussi délivrer le public en mal de glorieuses farces...
Un des trois.
EXPOSITIONS
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Au Centaure ■
Othon Friesz
Lyrique et réaliste, le sentiment français procède d’un rythme en soi parfait.
De Foucquet à Ingres et Poussin aussi bien qu'en la sensualité heureuse d'un Renoir et les révélations intuitives d’un Cézanne: chacun de ses tenants réalise individuellement une forme de l'unité spirituelle de la race. Et leurs apports, en renouvelant les possibilités de la tradition qu'ils prolongent.
Cette tradition prend ses racines en l'homme. L’art y est moins une « abstraction » qu'un aboutissement individuel.
Capital et critère absolu, l'artiste donne à la forme le propre rythme de sa beauté. Ainsi, par un échange de puissance d'où rayonne la gratuité de l'esprit et le sens relatif des valeurs de beauté, si la vie alimente son esprit, organisant la vie crée-t-il l'art! En cet esprit, nul n'est plus français que Friesz.
.Plaçant -le.sentiment très pur qu'il .possède de la vie sous l'heureuse tutelle de l'intelligence, sensible aux correspondances naturelles, il se plaît à considérer la nature, comme puissance d'art, et l'organise au mieux d'une unité raciquement pressentie. Nulle déclamation. Le pittoresque vain s'y résorbe. Une sévérité essentielle autorise un choix que magnifie l'esprit.
Copiant la nature, c'est moins aux formes qu'elle déroule qu'à l'esprit même de cette nature qu'aspire son désir d'art. Ainsi plus profondément résume-t-il la forme, et la recréant, s'y confesse.
Bénéficiant à la fois des sèves de l'instinct et des directives passionnées qu'une intelligence active lui propose, Friesz crée des œuvres dont la cadence et l'intelligence, conciliant en une unité parfaitement vivante et humaine les divers facteurs d'art et de vie, se dénonce française. Friesz est plus qu’un
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