j.

Numéro

HEBDOMADAIRE DINFORMATION ET DE CRITIQUE

TROISIÈME

saisonH

1924 - 1925

B D LÉOPOLD II, 271, BRUXELLES

CHÈQUES POSTAUX

V. BOURGEOIS 108,016 Téléphone :685,67 b

P- BOURGEOIS, V. BOURGEOIS. P. FLOUQUET K. MAE-S. G. MONIER.

Une Création

au Théâtre du Marais

« LES INDIFFERENTS

ou

ON S'AMUSE COMME ON PEUT »

Comédie en 4 actes et 7 tableaux

d'Odilon-Jean Pétiet.

Dès le lever du rideau, avant toute parole, une atmosphère est créée : gêne. Les harmonies de couleur et les proportions du décor sont tellement déplaisantes que le spectateur se trouve immédia­tement en état de légitime défense. Telle faute de goût ne peut être que volontaire. De ce point de vue, cet attentat contre F œil a un mérite scénique: ne sagit-il pas de poser le fait fondamental du spectacle cest-à-dire une expérience dimpertinen­ce? Il me paraît toutefois que le décor participe dun autre genre dirrévérence que le texte, celui-ci ne quittant jamais un gracieux quoique sec « bon ton ». Je me demande même si ce désaccord nest pas recherché, une volonté déquivoque semblant dominer cet essai. Ainsi, les trois jeunes gens, dont lintelligence vit synthétiquement, sont vêtus à la manière de la mode actuelle : le physique se meut en un autre frian que lintelleéiuel. Côn- tradiction semblable entre le mobilier du second tableau et lesprit général de la construction scé­nique. Encore une fois ambiguité, gêne. Tel saccuse lattrait ou laversion que suscite la comédie : Am­bidextre, homme de théâtre.

Il est difficile de juger une œuvre théâtrale après une audition et sans lecture préalable, une fâcheuse et brève inattention pouvant fausser sa compréhen­sion. D les réserves que demande cette criti­que. Le système littéraire qui régit « Les Indiffé­rents » est léconomie voire la pauvreté verbale : banal dialogue didées parfois tendues (déséquili­bre : le paradoxe à la sauce bourgeoise). Admis­sible en le théâtre réaliste, je crois ce procédé in­compatible avec la tendance du théâtre inventif. De plus, quun jeune lemploie métonne! Voilà peut- être le sens (?) de lœuvre : la peur de linten­sité, biaiser avec les sentiments pour fixer une atti­tude. Je ne suis quun amateur, dit lindifférent, héros victorieux de la comédie.

Cette déclaration justifie-t-elle la simplicité de la technique théâtrale? Ou devons-nous conserver lexplication de la jolie impertinence?

Quelques propos et puis sen vont.

Sauf celui de Louis, personnage intermédiaire, qui va de Prosper à Hector, aucun caractère du­rant ces quatre actes ne paraît évoluer. Ne doit-on pas attribuer à une erreur dinterprétation la colère de Prosper lors du récit de la Cour dassises?

Ainsi nous passons aux acteurs. Excellents nous ont paru Martial Rèbe (Prosper) et Lucienne Bo- gaert (Rose). Roger Lambert et Jean Gueras, mal desservis dailleurs en loccurrence par leurs carac­tères physiques, ne révèlent pas avec lacuité indis­pensable le style propre de leurs personnages. Et ceci nuit sans doute beaucoup à la clarté de la représentation.

Mais lauteur na-t-il pas lucidement décidé cette indécision? Conversation de thé mondain faisant fonction dœuvre théâtrale... Impertinence, sœur de la fatuité. Il est vrai quon pourrait également proposer le terme insolence, qui rentre dans la famille de lorgueil.

Pierre BOURGEOIS.

Le temps et lespace nous font défaut pour la critique des « Marrons du feu ». Nous nous con­tenterons de signaler quelques heureux effets de lumière dans la présentation et combien le costume

de Daisy Deslys (Prologue) sharmonise mal avec la couleur du rideau.

Revenons aux « Indifférents ». Le second décor: petite pièce blottie au creux de rideaux gris forme une remarquable et sobre architecture. Pourquoi donc, quand le mouvement général du décor tend à enfoncer la fenêtre, a-t-on mis, à cette baie, des rideaux blancs qui, au contraire, la rejettent vers lavant? Des toilettes, à retenir le costume grenat de Lucienne Bogaert au dernier acte.

P. B.

EXPOSITIONS

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A la Galerie Manteau Manuscrits et Dessins de JEAN COCTEAU

Technique : intelligence mécanique des vertus de la matière, moyen.

Cette technique na ni forme,! ni force propre. Activité intermédiaire, en soi vide de sens, elle est incapable de créer et ne peut plnsr se passer du principe puissant de lesprit, que de matière sappliquer. Toute création vit desprit. Œuvres d'art, cest, en lobjectivant, matérialiser et con­struire de lesprit. Partant du point profond formes et arts se confondent, celui qui dispose de lesprit crée en toute virginité dinstinct. Nulle habitude, nul métier banal nentrave lexercice de sa confession. Neuf et pur, son désir affirme. Une intelligence intérieure le guide. Sa simplicité voit net.

Ayant tout renié, cest avec force quil prétend et quil ose, créant avec aisance, comme naturelle­ment, une forme technique propre à sa pensée.

Voilà pourquoi des hommes qui nont point fait détudes spéciales, qui ne professent pas, se révè­lent parfois créateurs rares ou puissants. Lhistoire de lart est pleine de ces intellectuels ou ouvriers qui se créèrent deux-mêmes et comme pour eux seuls, ardents à parfaire quelque qualité intérieure, leur soif de vie profonde. Nul amateurisme en qui procède desprit. Lamateur est le technicien, officiel ou non, qui nayant la force de créer, dou­ble une œuvre existante, se bornant à suivre une piste, à servir. Cest sur le plan spirituel que nous considérerons lœuvre graphique de Cocteau. Non point donc, comme forme, comme technique, mais comme du Cocteau . Poète sensible, psychologue affiné, vivant dintrospections et de métaphysiques, Cocteau devait être tenté par les puissances ner­veuses et la claire acuité de la ligne. Le dessin gra­phique nest autre chose en effet, quune écriture psychologique directe. Sans mots, par quelques frémissements, il conte lhomme et résume lesprit.

Lentité nerveuse, ondoyante et si lucide de Cocteau se retrouve en chaque trait quil trace comme en chacun de ses essais, en chaque musique de son poème. Lampleur et la netteté révèle la constante interrogation des êtres et des choses, la quête de lessence, le désir de principe.

Son dessin nest ni un jeu, ni le complément de sa poétique, mais un champ dexpériences person­nelles dont bénéficie son esprit. Ainsi dessine-t-il comme il écrit et pense, en nuances plus directes que composées, et dont lexquise sensibilité con­struit une individualité du plus idéal réalisme.

Nous ne concluerons pas. Mais demandons que soit considéré sous cet angle les graphiques exposés.

Le Modernisme International

Willy Baumeister

Willy Baumeister appartient à la jeune généra­tion moderniste de Stuttgart qui, partie dAdolf Hôlzel, en suivant ses préceptes, va de lavant, ne considère plus lart comme une action commerciale de tout repos mais bien comme une expression hardie et consciente du moi plus profond.

Comme tout art allemand, lart de Baumeister se révèle pour nous, flamands réalistes, comme étant un art dessence purement romantique; nous y retrouvons une atmosphère dune exubérante sentimentalité maladive et dun mouvement trou­blant, chaotique et obscur. Mais Baumeistef saf­firme également un homme imbu du potentiel constructif de son époque : cest pourquoi son art énonce aussi un ardent désir dordre et dhar­monie en la surface formulée de sa représentation, et, comme le dit son commentateur allemand Karl Konrad Düssel : « On se déplace dans la zone de l'émotionnel, de l'affection condensée et tumul­tueuse. Mais on tâche de pénétrer dans le domaine du logos. »

Willy Baumeister y est parvenu. Rejetant loin derrière lui lExpressionnisme romantico-extati- que, il nen conserve plus que la tare atavique avec laquelle il organise sa plastique. Il établit ses sen­sations à laide dun canevas anthropomorphe quil transpose géométriquement selon le rythme le plus cérébral. Mathématiquement, il trace le geste primordial et divin de la création en nous offrant lextériorisation dun monde inconfiu qui est le sien. Labstraction homme y joue un rôle important, se combine et sorganise avec labstrac­tion objet pour sordonner avec elle en la matière de formes géométriques. En sa plastique séquilibre également la dualité entre la matière volume et la matière surface. Affirmation de lutte est affirma­tion de vitalité; aussi Baumeister veut-il avec acuité nous suggérer la vie de son espace en em­ployant des matières différentes qui nous donnent des œuvres curieuses la surface alterne avec le relief du volume.

Son art est une plastique dont lobjectivité der­nière sefface de plus en plus devant le déborde­ment logique de la forme essentiellement pure. Dans certaines des récentes productions de Bau­meister, nous pouvons même constater comme ré­sultat final le total triomphe de labstraction.

Son art se trouve actuellement comme valeur absolue au niveau organique de la production fla-

FLOUQUET.