HEBDOMADAIRE D’INFORMATION ET DE CRITIQUE
Numéro 19
TROISIÈME
■ saison ■
1924 - 1925
12 MARS 1925
B D LÉOPOLD II, 271, BRUXELLES
CHÈQUES POSTAUX
V. BOURGEOIS 108,016 ■Téléphone :685,67 b
P. BOURGEOIS, V. BOURGEOIS, P. PLOUQUET, K. MAES, G. MQN1ER.
Marcel L’Herbier à Bruxelles
Pour rappel, le Mercredi I er Avril, à 20 h. 45, le grand cinégraphiste français conférenciera à l’Union Coloniale (projection de films inédits). Places (10, 7, 5 et 3 fr.) à l’Office Central des Concerts, 21, rue du Marais (tel. 102.96).
Carnet d’un citadin
! Les problèmes pratiques de l'idéalisme moderne . La coopération des formes: à propos des « JOINTS » urbains .
D’abord, les « joints » verticaux.
Au lieu de l’enfilade ininterrompue de maisons masquant le désordre des cours intérieures, le lotissement rationnel ou moderniste amène, le long des rues, quantité d’espaces libres, que l’architecte Organise par un groupement heureux d’arbres, de haies, de murets ou de portiques. Cette liaison entre les constructions, dont les trois dimensions
Le mouvement des idées
Où il est question de Valéry, du Parle* ment français et du « Mercure de Flandre », revue d'expression septentrionale paraissant à Lille, 188 bis, rue Solférino.
La Querelle des Anciens et des Modernes serait- elle immortelle? A chaque époque, les adversaires se mesurent et jamais une victoire définitive n’est acquise. Il semblerait pourtant que lé temps dût agir en faveur des modernes .* l’enrichissement de P espérance humaine n’enlèvë-t-elle pas patiemment et irrévocablement le monopole de la culture à une partie d’une civilisation?
Le raisonnement de Pascal est connu :
« Ceux que nous appelons Anciens étaient véritablement nouveaux en toutes choses...; et comme nous avons joint à leurs connaissances Vexpérience des siècles qui les ont suivi, c’est en nous que Von peut trouver cette antiquité que nous révérons dans les autres. »
jouent également un rôle-, n’est-elle pas un des éléments importants de l’esthétique urbaine? Je songe à l’importance des murets dans la cité-jardin de Dudok à Hilversum. Autre exemple : les balustrades de notre Place Royale, qui tout en donnant de l’échelle aux grands volumes dû quartier font « TENIR » l’ensemble.
Ensuite, les « joints » horizontaux.
Or, l’esthétique urbaine ne se résume pas en les effets obtenus par les plans verticaux : blocs et joints. Quoiqu’ait pu croire le XIX e siècle, à toutes les grandes époques d’architecture, ce n’est pas seulement le principe général du tracé des voies qui avait une importance esthétique, mais également l’exécution des détails du plan d’ensemble : trottoirs, bordures, pavés, tapis de fleurs et de gazon. Plus que jamais, avec l'architecture cubiste, ces principes doivent être respectés. Les trottoirs en carreaux de ciment prolongeant sur le sol les éléments verticaux constitueront un joint efficace entre ceux-ci et la voirie ou les jardins.
Enfin, quelques mots des « joints » obliques : les escaliers qui s’interposent entre les façades et l’horizontalité du sol pour en amortir le contact ou relient deux niveaux différents d’un espace libre, tel le projet d’escalier reproduit ci-joint de Ray Decelle. Excellent projet d’ailleurs : les paliers logiquement s’incorporent à la balustrade et solutionnent d’une façon sobre le passage du plan oblique de l’escalier aux horizontales et verticales du mur.
Un des trois.
C’est pourquoi un lecteur nou^,,demande si la, condamnation de VEupalinos de Valéry ne réside pas entièrement dans son anachronisme. L’équivalent exact de la rêverie platonicienne: résonance musicale, au XX e siècle est un acte implacablement négateur : tous les apports des civilisations sont détruits au profit d’un effort d’une contrée. Pourquoi cette limitation? Tel est le problème qu’envisage également le « Mercure de Flandre ». Voici comment notre confrère définit l’idéal culturel des éducateurs, conservateurs et nationalistes (Etrange!) :
« ... ils suppriment tout simplement dix siècles de l'histoire de France — dix siècles sur quatorze — les dix siècles au cours desquels se sont engendrés Vâme française, la société française, sa langue analytique, son génie spécifique, son idéal. Ils font commencer la France au XVI e siècle et la rattachent directement, par-dessus dix siècles escamotés, à l'antiquité païenne, gréco-latine. »
Il est curieux de noter qu’il appartient aux éléments de gauche de défendre l’esprit entier et vivant de la nation jusque dans son christianisme contre les serfs — souvent catholiques d’ailleurs — de la suprématie gréco-latine, païenne donc.
M. Georges Leygues, au surplus, pouvait citer à la Chambre française des déclarations d’autres historiens :
« Qu'a dit Fustel de Coulanges? « Les quatre » siècles de la paix romaine furent des siècles sté - » riles dans l'ordre moral, intellectuel, scientifique, » politique et artistique. »
Et Camille Jullian écrit dans son beau livre sur la Gaule : « Qu'on ne me parle plus du génie
Escalier vers le lac
Architecte Decelle Ray
» latin : qu'on ne fasse pas de la France l'élève et » l'héritière de ce génie. Elle est autre chose, et elle » vaut mieux. »
Que d’autres choses à rapporter de ce discours dont la revue lilloise donne de judicieux extraits! Contentons-nous de montrer qu’un modernisme intelligent n’accepte point d’être neutre en ce débat. Somme toute entre ceux qui veulent brûler tous les musées et les adorateurs de l’antiquité gréto- latine, il n’y a guère de différence : les uns écari tent toute l’histoire, les autres en conservent un morceau infime. Nous pensons que nOus devons appuyer les défenseurs d’une culture complexe et généreuse : interrogation et combinaison de tous les modes d’information. Cette culture se rapproche de la vie. Elle sert par là un art plus soucieux d’inventer que d’imiter : notre plus douce espérance. Pierre BOURGEOIS.
Les conférences de la Lanterne Sourde
Et Part en Russie Rouge?
Puissante publicité agressive : cohue. Des ambassadeurs, des artistes, des prolétaires, d’honorables fonctionnaires et commerçants : du monde jusque sur la scène.
« Quelles étaient donc les vedettes étrangères en représentation? »
Deux jeunes écrivains « bruxellois » parlaient de choses de l’art...
C’est d’ailleurs une des moralités de l’action de la Lanterne Sourde : ses plus gros succès de public dans les différentes salles où elle se produisit, ont été à des personnalités de chez nous : van de Velde, Fierens-Gevaert, Vermeylen, Eek- houd....
Cette fois, deux jeunes.
Qu’on ne nous assure donc plus avec une naïveté déconcertante que le public ne veut rien entendre de ses compatriotes! Certes, parfois, difficile est la tâche, mais si les organisateurs sont assez obstinés et intelligents, le succès s’affirme.
Destiné à un milieu hétérogène, parce que recruté grâce à une large campagne de propagande, l’exposé dialogué de MM. Daye et Kochnitzky fut ce que demandait le maximum de rendement : c’est-à-dire facile et vivant. Des artistes, des intellectuels ont regretté le caractère général de ces causeries : la dictature de l’anecdotique. A tort, selon moi. Chaque effort intellectuel ne doit-il pas être déterminé par son programme? Or, rien ne ressemble plus à une assemblée de commères et de primaires que le Tout-Bruxelles...
Heureuse, l’idée d’une conférence dialoguée. D’autant plus que les orateurs se mouvaient sur des plans différents : Kochnitzky, apostolat aristocratique: Daye, exposition familière. D’où un rythme d'essence dramatique et du point de vue de l’attention, réconfortant.
En ce qui concerne le fond du sujet, nous devons faire de nombreuses réserves.
Notre correspondant allemand, le Dr. Behne, après avoir fait une enquête en Russie soviétique, nous envoya une lettre importante sur la situation de l’art moderne en cette contrée. Cette étude parut dans les numéros 21 et 22 de notre deuxième saison (28 février et 6 mars 1924). Notre ami était catégorique : Beaucoup de recherches intéressantes en Russie, mais d’une façon générale, la sympathie gouvernementale va aux conservateurs. Le Dr. Behne ajoutait que le ministre Lu-