Numéro
HEBDOMADAIRE D’INFORMATION ET P. BOURGEOIS, V. BOURGEOIS,
DE CRITIQUE P.PUOUQU
»
ET, K. MA ES, G
TROISIÈME ■ SAISON ■ 1924 - 1925
B D LÉOPOLD II, 271, BRUXELLES
CHÈQUES POSTAUX
V. BOURGEOIS 108,016 ■Téléphone :685,67 b
monier.
Rappel
Le mercredi I avril, à 8 h. 45 conférence de Marcel LHERBIER à TUnion Coloniale
Cartes à l'Office des Concerts, 21, R. du Marais
Tel. 102.96
Au Théâtre des Galeries :
un chef-d’œuvre
Le Cocu Magnifique, farce de F. Crommelynck ou la royauté du monde intérieur
L'âme des personnages, voilà le souci de quiconque écouta la représentation. Tel qui se passionne pour l'évolution synthétique du décor ne songe pas à analyser les 'mérites du lieu de-l'action t. ce critique ami des savantes décompositions techniques déve- loppe-t-il la succession des mouvements scéniques? Nul esthète enfin ne s’attarde à définir les mérites intrinsèques de l’interprétation... Il n’y a pas, sem- hle-t-il, d’action, d’acteurs et de décors, mais des sentiments dominateurs : amour, jalousie, fatalité ingénue, burlesque et cruelle. S’affirme un tel théâtre par sa pleine valeur littéraire. Qu’on me pardonne ce terme dangereux. Et cependant quel serait le signe suprême du théâtre, sinon la vertu verbale du dialogue? Les reparties que propose Crommelynck sont si exactement conformes aux besoins de la parole publique, tout en révélant une intime intensité lyrique, que la pièce semble avoir été entière déjà quand elle quitta la solitude du littérateur.
A propos du Cocu, l’on parlera certainement d’art malsain, d’art décadent. Or, le caractère le plus certain de l’oeuvre me paraît être, malgré sa cruauté comique, le pouvoir de chant, de délivrance, d’ampleur. Assez puissant pour imposer dès l’abord une atmosphère héroïque, Crommelynck mêle naturellement farce et tragédie. Sympathiques (émouvantes) pirouettes! Somme toute — réfléchissons-y — rien que de naturel en cette pièce. O dramaturge magicien! Magicien? Non. Cette incroyable aventure, quel amoureux fiévreux ne la porte-t-il pas en puissance? Voilà du théâtre réel. Aussi excessive que soit l’attitude, son principe moteur est psychologiquement exact : chaud de vie très vraie, souple et brutale aussi bien, complexe. Etonnants Bruno, Estrugo et Stella, me permettrais-je de vous dire familiers de maintes passions modernes? Somme toute Crommelynck a parfaitement fait son métier d’artiste créateur : au moyen des éléments normaux du corps et de l’esprit réaliser de Vinaccessible.
Au sujet de l’interprétation, signalons que M. Colin, beau gas puissant, avait repris le rôle créé par M. Lugné Poé. Là où le directeur de l’Œuvre apportait concentration, passion volontaire, symbole (parce que style), M. Colin donne : bloc instinctif, humanité qui improvise, débordement. De la causerie liminaire de M. Crommelynck, ne retenons qu’une chose : Eloge du public un et indivisible, disait l’orateur. Cette allocution ne s’adressait donc point à l’auditoire des Galeries puisque chaque entr’acte a montré le public divisé. Heureusement, d’ailleurs.
Carnet d’un
La couleur, exaltation de la vie urbaine.
— Etonnement^ vis-à-vis de sa richesse.
— Plaidoyer pour sa prospérité.
Par suite des saintes exigences de l’utilité, la ligne des objets vit modestement : évolution lente, discrétion et constance. En force de sécurité, son témoignage habituel réside. Et se$ inventions à leur rareté même prennent leur plus sâvoureux caractère. D’un mot résumons la mystique |du contour des objets : labeur. (Economie des matériaux et des muscles.)
A la « forme-labeur » s’oppose la « couleur- spectacle ». Oui la couleur est la fanfare des volumes : malicieuse agressive, elle vit d’une espérance infatigable de mouvement. Privilégié entre les sens que mon regard auquel s’adresse cordialement ce souci d’intensité! Chatoyement aux axes multiples n’est-ce point une généreuse lumière qui se cherche? Je remercie la couleur de me dicter des. propositions complexes de foi, unissant: ainsi les analyses entrelacées et la synthèse aiguë.; Toutes ces taches contradictoires me sont un sig^ unique d’allégresse.
Quand, flâneur fatigué, je traverse le centre d’une ville, chaque fois je découvre, comme un inconnu attendu, une teinte émouvante. Tantôt c’est au long d’une façade une électricité verte qui s’appuie organiquement à l’architecture de l’édifice (le blanc volage, au contraire, saute en rue ou ciel) ,* tantôt, au creux d’un étalage assoupi, tel mauve s’insinue avec une victorieuse persévérance; soudain voici que par la volonté concentrée des réflecteurs le dancing badin devient passion...
Ainsi les nuances des tons émerveillent le poète. Parfois le problème se pose de façon élémentaire.
Trois exemples de “ Lustrerie „
(Atelier Antoine Decelle- Bruxelles)
La lampe (2), avec système de coulisse en quart de Cercle qui permet le déplacement du foyer lumineux a été créée afin de pouvoir servir indifféremment à triple usage : bureau, piano et même applique. L’économie d’éclairage et d’appareillage pour petits locaux n’impose-t-elle pas un minimum de lampes « portatives »?
Des affichettes bariolées ornent les vitres du tramway hétéroclite : avec leur consentement lumineux, le voyageur regarde la ville en remous et, grâce à la fontaine rayonnante des colorations, les choses immobiles participent à la vitesse.
Puissent ces quelques lignes indiquer à quel point une compréhension vivante de la couleur peut aider le développement de l’esprit moderniste! Dans la première éducation le rôle de la couleur est grand ; pourquoi s’atténue-t-il au cours de la formation? De même qu’il y a des exercices de vocabulaire en dehors des œuvres littéraires, des leçons de couleur indépendantes devraient être instituées aux divers degrés, où la jeunesse prendrait une connaissance des ressources et des significations des colorations. Dans la vie pratique, l’homme se sert autant de couleurs que de mots.
En effet, s’il nous réserve des joies subtiles en ce domaine, le monde moderne s’atteste cependant très hésitant. A certains moments, je me demande si une peur collective de la couleur n’a pas envahi notre civilisation. Evidemment, l’opinion paraît paradoxale pour qui songe aux murs d’affiches et aux toilettes de bal. Mais il y a les puissants éléments fondamentaux. N’en citons que deux ; l’architecture et le costume de travail. A part quelques exceptions, la monotonie s’y impose comme une divinité. Or elle n’est que bureaucratie, conservatisme. Aux artistes de susciter la douce violence, le cher émoi de la vie des couleurs.
Un des trois.
Pierre BOURGEOIS.
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