TROISIÈME
■ SAISON ■ 1924-1925
2 AVRIL 1925
■ BUREAUX : ■
B D LÉOPOLD II, 271, BRUXELLES
CHÈQUES POSTAUX
Numéro
V.B0UR6E0IS 108,016
HEBDOMADAIRE D’INFORMATION ET DE CRITIQUE ■Téléphone :685,67 b
l
P. BOURGEOIS, V. BOURGEOISi P. FLOUQUET■ K. MAES, G. MONIER.
Littérature
Néerlandaise
Duko Perkens : Kwartier per Dag (De Driehoek, Anvers). - SEUPHOR: Wen- duyne aan Zee, Te Patijs in Trombe (Het Overzicht, Anvers). - ROEL HOUWINK :Nov ellen, 1920-22 (Zeist).
Il n’est pas trop tard pour parler de ce carnet de -voyage que Duko Perkens intitule Kwartier per Dag. Ce sont des notations précises encloses en des poèmes qui me rappellent, par leur justesse, les poètes japonais. Mais ici la forme, expliquant un raffinement extrême, est occidentale, ainsi qu’une sensibilité de nerfs nus. Exemples :
Le ciel est trop haut d'un étage -— le soleil gît comme un football oublié sous les arbres — il est temps de nettoyer le jour.
Le tramway trace consciencieusement — deux lignes au crayon — les promeneurs entrent et sortent
— de l’ombre du chocolat — et la marchande de ballons se cache — derrière un gonflement de mille têtes colorées .
Et ailleurs :
Tout le jour nous avons avalé de la poussière —— et nous nous sommes couchés avec de la migraine — nous avons bu de la chicorée — avec du musc et de Viodofotme — et des pas qui piétinaient des voix chantantes -— nous ont assaillis dans ce bâtiment de pierre — où toutes les chambres sont des porte-voix
— Ce fut l’insomnie toute la nuit — et nous nous sommes levés avec la migraine.
Duko Perkens est un pseudonyme sous lequel se cache un jeune écrivain exotique dont je lus déjà, écrite en français, et signée d’un autre nom, une plaquette très rare et pleine de malice : Manuscrit trouvé dans une poche. Il est exceptionnel, aujourd’hui, de voir un vrai talent débuter avec tant de discrétion. Mais j’y trouve une pudeur non déplaisante et, même, une affectation de détachement qui donne un air de bonne société, somme toute, et qui est souvent l’indice de scrupules littéraires, toujours de mode, excepté chez les nouveaux riches qui oublient que la probité est la meilleure référence.
La présentation typographique et les en-têtes de Kwartier per Dag sont de Jozef Peeters, le moderniste anversois que les lecteurs de 7 Arts ont pu apprécier déjà ici même.
Seuphor n’est pas modeste. Il signe Seuphot (en or). Faut-il classer ses deux plaquettes dans la production néerlandaise? J’y trouve des mots flamands, français, anglais, allemands. Seuphor est internationaliste, comme tout le monde, et dadaïste. Il écrit des lignes d’inégales longueurs, puisqu’il est poète, mais j’avoue, malgré cette concession à la tradition, que je n’y trouve aucune émotion et peu de plaisir. Pourtant, Tristan Tzara, dont il semble vouloir être le disciple, se lit sans ennui. Mais Tzara n’a pas de recette, comme le croit Seuphor, il n’a qu’une sensibilité que Seuphor n’a pas. S’il l’avait, jl y aurait deux Tzara, ce qui serait plus que dommage, ce serait absurde. J’ai néanmoins vu de Seuphor des choses qui valaient la peine d’être lues. C’est un indice, il y a donc une manière qui est la sienne. Quand il y reviendra (quand même), il exprimera probablement des idées intéressantes èn une prose correcte.
Je voudrais dire bien des choses à Roel Houwink qui me plaît à cause de son désir de bien faire et son inexpérience. On m’apprend qu’il fait vivre un périodique hollandais Vrije Bladen, mais il m’était totalement inconnu. Voici un petit recueil qu’il intitule simplement Novellen ( 1920-22). Je Jis et je suis immédiatement intéressé, cependant
qu’une foule de réminiscences viennent me distraire. Je pense à un Rainer Maria Rilke, mais désarticulé, je pense surtout à un expressionnisme littéraire découvrant le mécanisme des sensations sans les expliquer. Ainsi Roel Houwink arrive à raconter ce qui n’est pas une histoire et à décrire ce qui pénètre insidieusement en nous et ne s’exprime que par attitudes. Je regrette que la première nouvelle seule se soutienne sans faiblesse. Elle dit la misère d’une vie de bureau, d’un quotidien sans ivresses et d’élans timides et sans suite. D’autres pages accusent la fatigue du procédé et tendent vers un romantisme monotone de mélo. Des essais de sadisme, comme des fusées mouillées, rie réussissent pas. Ceci, avec quelques redites, trahit, n’est-ce pas, l’inexpérience de l’auteur. Pourtant, je retiendrai le nom de Roel Houwink. Maurice CASTEELS.
Notre enquête
Réponse Serbe ■
Le Zénithisme
par Lioubomir Mitzich _____
ii
Voici une Table des 10 Lois qui ne sont pas des commandements mais uniquement des principes généraux :
1) Le Zénithisme est le réveil de l’élémentaire et des ressorts d’action vitale innés à tous les hommes.
2) Le Zénithisme réveille dans Fhomme tout ce qui est généralement humain, tout ce qui est HYPERPERSONNEL et tout ce qui est apparenté au GENIE BARBARE.
3) Le Zénithisme, par suite de son caractère élémentaire et de sa synthèse créatrice, est inséparable de tous ceux qui créent des choses grandes et neuves, qui travaillent pour l’humanité future.
4) Le Zénithisme comme réalité montre que les buts finaux des hommes ne peuvent être atteints, et il le montre avec le plus de dureté à ceux qui peinent le plus pour réaliser un nouvel ordre mondial et de nouveaux rapports entre les hommes.
5 ) Le Zénithisme est comme l’élixir de Jouvence, et en même temps la conscience d’un effort d’ascension éternel et infatigable.
6) Le Zénithisme est l’impératif énergétique de tout travail de l’art nouveau, et il doit être parallèle à la route de ceux dont la lutte mène aux buts collectifs de l’humanité.
7) Le Zénithisme est la conscience claire des mensonges des « rêves » littéraire? et des erreurs de 1’ « ap solu » en philosophie.
8) Le Zénithisme est la puissance de la volonté indomptable et l’aliment des instincts créateurs.
9) Le Zénithisme est l’énergie positive dans l’érection de la verticale de l’esprit nouveau.
10) Le Zénithisme est également de l’énergie négative, parce qu’il s’emploie dans la lutte inévitable contre l’esprit charlatan du troupeau des eunuques de culture.
Voilà notre réalité, une réalité nouvelle et précise, sans aucun ornement de symbolique, sans aucune parure de panphraséologie : Pensée comme machine, action comme mécanisme.
Les poètes veulent toujours tresser des fouets pour flageller ce monde. Au nom de qui? Non! Même les coups de fouet ne changent pas les hommes. Il n’y aura pas de satisfaction parmi les hommes aussi longtemps qu’il y en aura qui cravachent et d’autres qui sont cravachés. Poètes, cessez vos efforts stériles. Il ne peut y en avoir ni d’une sorte ni d’une autre. Dans un avenir
rapproché beaucoup des vôtres ne seront plus.
L’esprit nouveau sera le conducteur et l'accumulateur de toutes les puissances créatrices dans le domaine de l’art et du travail. La puissance créatrice est la roue tournante qui évide le lit du fleuve. La volonté créatrice et la raison intuitive doivent déterminer la forme du courant : elles créeront ainsi la symphonie du travail des rythmes et des cataractes. Les nouveaux poètes savent mieux que quiconque combien impuissants sont à ce jour les rythmes poétiques et les cataractes verbales.
Le verbe nouveau est une antenne et la poésie ne naît que dans une sphère se trouvant en dehors de la raison. Ce sont des mots ZÉNITHIQUES DANS L’ESPACE (1).
— La poésie est le premier plan de la symétrie.
— La peinture est le deuxième plan de l’asymétrie.
— La plastique est le troisième plan de la planosymétrie.
— La musique est le quatrième plan de l’iri- symétrie.
— La danse est le cinquième plan de la ryth- mosymétrie.
— Le drame est le sixième plan de la poly- symétrie.
— Le cinéma est le septième plan de la contre- symétrie.
En tout et pour tout il y a sept variations de la symétrie, qui soient possibles dans la nature. On ne peut tracer dans un cristal que sept symétries. La mathématique du cristal est caractéristique : 7X1:1. un corps. Nous avons ici un cristal d’une vie disparate : l’ART!
Le Zénithisme comme art nouveau, englobant tous les genres, est l’unique huitième plan, en dehors de la symétrie et de l'Hypersymétrie dans l’espace : un corps nouveau et hypernaturel créé par le maximum des forces disponibles dans l’homme.
Il n’y a que quelques oeuvres synthétiques de l’art nouveau et de la vie nouvelle qui correspondent en un certain sens aux principes zénithiques de l’esthétique relative, notamment de l’antiesthé- tique. Seules ces quelques oeuvres portent la marque générale du Zénithisme. La meilleure étiquette au meilleur endroit. Le meilleur mot pour la meilleure œuvre.
(1) Ne pas confondre avec « mots en liberté >>.
■ Propagande?
Eh bien! Tuez la province. Puisque, malgré tout, chemins de fer, autos, télégraphe et compénétration raciquè, la province subsiste. Aussi mesquine, bé- bête et flasque que naguère. Faites-la balayer par les grands courants qui prennent vitesse et joue dans le noyau tourbillonnant des capitales. La province est inerte. Sa masse s’écrase sur elle-même. Les ferments d'activité s’épuisent dans son ambiance néfaste. Qui dira le tort que sa pesanteur a causé aux artistes?
—Vous n’avez donc pas vu«la pendule» ?La pendule que Liège envoie aux Arts décoratifs? Vous qui êtes au milieu du feu, allez aux petites villes abandonnées au revers du chemin de la vie comme des wagons délabrés. Chauffez-les, excitez-les, pour vous y fournir de matières qu’elles laissent improductives. Ce n’est pas seulement le rôle des capitales que de s’isoler dans leur maelstrôm. Elles doivent rayonner par les espaces endormis et plats qui les entourent. Tuez la province!
Plus d’un négligent des pépites qu’ils ont prises pour des galets et si quelqu’un d’autre plus avisé ou