HEBDOMADAIRE D’INFORMATION ET DE CRITIQUE
TROISIÈME ■ SAISON! 1924 - 1925
9 AVRIL 1925
Numéro^**^
■ BUREAUX : ■
B D LÉOPOLD II, 271, BRUXELLES
CHÈQUES POSTAUX
V. BOURGEOIS 108,016 ■Téléphone: 685,67h
P. BOURGEOIS. V. BOURGEOIS, P. FLQUQUET, K. MAES, G. MONIER.
Les Jeudis ■ de la “ Lanterne ■ Sourde „
A la Maison des Etudiants Palais d’Egmont, Bruxelles
A 20 h. 30 :
Le 9 Avril, conférence par
Louis Piérard
Sujet : GEORGES DUHAMEL
Le 16 Avril, conférence par le peintre et sculpteur
Victor Servranckx
Sujet : LES VOIES NOUVELLES
DES ARTS PLASTIQUES.
ENTREE LIBRE.
Pour et contre
Le problème du sous-titre
Découvrant lentement sa nature, le Cinéma d'aujourd’hui s’applique à pénétrer la qualité des formes et découvrir l’essence même du mouvement. Ainsi devient-il le poème visuel qu’il est et aspire être.
Symphonie visuelle, dit L’ Herbier. Cette affirmation situe l’actuelle tendance du film, celle des rythmes psychologiques et mécaniques, plus que toute autre constructrice du cinéma.
Mais si ses moyens se fixent chaque jour, l’art nouveau est encore à un tel point encombré de parasites, qu’il faut faire un effort pour se le figurer idéalement : tel qu’il se désire et sera. Le sous-titre en est-il un? Opinions et théories se partagent et s’opposent.
Pour les uns, allongeant le film, il en ralentit le mouvement et brise son rythme par l’incessante introduction de ses textes explicatifs. Pour d’autres, au contraire, en plus d’un commentaire utile, le sous-titre est un élément de repos, à la fois facteur harmonique et couleur (un peu comme le silence en musique), qui, en le divisant aux moments favorables, soutient l’intérêt rythmique de l’action.
On est donc pour ou contre . La mission de départager des opinions techniquement assises est délicate.
Essayons du moins de mettre au point les principes qui s’opposent, les idées qui s’affrontent.
L’écran refuse la parole. Inabsorbable par lui, elle lui est naturellement hostile. Or le sous-titre n’est autre que l’adaptation de la parole à l’écran, soit une parole abstraite, procédant du livre, tenant à la fois lieu en le film de chapitre divisionnaire, de notice explicative et de soutien psychologique. L’esprit du cinéma sinon sa forme n’étant pas encore connu du grand public, affirmer la nécessité tout actuelle d’ailleurs, du sous-titre n’engage pas l’avenir.
Le public a besoin de lui. Il l’éclaire, met au point pour lui une action souvent fragmentaire que son manque de puissance intuitive ne lui permet pas de compléter. Bien qu’il répète l’action comme certaines illustrations répètent le texte du livre, il l’aime pour la lumière banale qu’il lui apporte et les confirmations incessantes qu’il donne à ses spéculations sentimentales. Mais si nous allons plus avant, nous voyons que pour une certaine catégorie de ce public, \e-sous-titre semble axer le film, l’ac
tion gravitant en quelque sorte autour de ses textes, et devenant leur commentaire animé.
Ici l’erreur prend forme. Il devient possible d’en apercevoir les causes, et l’origine technique. Et voici qu’abandonnant le spectateur, le tort semble revenir au technicien, ce qui nous perifiettra en passant, de signaler le vice que constitue son emploi systématique et la confiance trop grande qu’ont en lui certains techniciens. Le sous-titre étant le dernier élément de correction dont dispose le metteur en scène, il appert que son abus révèle la trop grande hâte mise à l’édification du film, l’insuffisante pénétration de l’action par un metteur en scène sans passion ni patience, le jeu inconàplet ou décousu d’acteurs escomptant de ses valeurs explicatives le soin de rétablir l’intelligence psychologique du drame.
Certains techniciens ne cachent point leurs opinions à son sujet, et le considèrent comme une valeur élastique, propre à situer rapidement les sentiments que l’acteur (sic) ne peut traduire totalement.
Ne nous étonnons donc plus de son abondance.
Combien de lacunes de découpage, d’erreurs ou de faiblesses d’extériorisation, de scènes insuffisantes, appelle le sous-titre, même en. les bons films. Et d’autre part, comment s’étonner si le public se trompe et donne à celui-ci toute sa confiance, au détriment de l’action même.
Est-il des sentiments intraduisibles sans paroles, et quels sont-ils?
Je n’en vois que de trop laborieux peut-être, si le génie manque; d’impossibles, aucuns!
La mimique, cet art délicat, nécessite par la rareté de ses moyens le génie du geste. Mais le silence dont tous deux vivent est l’unique point de contact entre cet art et le cinéma. A l’écran, le geste, pour le geste, n’a que faire. Le génie de la vie est plutôt nécessaire; et pour cela s’offre au metteur en scène l’univers tout entier. Villes, forêts, moteurs, yeux, eaux, sont mobilisés. Et tous, avec les possibilités infinies de leur nature, sous tous les angles, sous toutes les lumières, selon la pensée du metteur en scène, vivent l’aventure extérieure. A lui donc, de découvrir le côté par où ils tiennent au drame, et de le révéler au public, pour intensifier et éclaircir l’action.
Certaines contractions faciales, certains réflexes, aussi bien que l’introduction de choses usuelles ou rares, présentés sous l’angle de l’action dénoncent lumineusement, grâce aux procédés nouveaux, si suggestifs, les plus délicates intentions des héros du drame, et cela, plus naturellement et plus simplement que le plus précis des sous-titres.
FLOUQUET.
Le Mouvement ■ moderniste à l’Etranger ■
Allemagne
Herwarth Walden ; Die neue Malerei (Verlag Der Sturm, Berlin). — ADOLF BEHNE : Die Ueberfahrt am Schrecken- stein (Arbeiter-Jugend-Verlag, Berlin).
Tous ceux qui en Europe suivent, même de loin, le mouvement d’art moderne, connaissent la revue De r Sturm. Tous les artistes d’expression nouvelle y furent accueillis et commentés. Marie Laurencin, Paul Klee, Kandinsky, Franz Marc, Severini, Cha- gall, Léger, noms aujourd’hui célèbres, y firent leurs premières armes. Parmi les Belges, Peeters, les frères
Bourgeois, De Boeck, Maes, Joostens, y figurèrent avec honneur. Le lino naquit au Sturm. Et il faut rendre à Herwarth Walden, depuis 12 ans directeur du Sturm, ce qui lui appartient. Il accueillit toujours avec enthousiasme quiconque affirmait un talent nouveau, sans égard au nationalisme étroit de quelques-uns de ses compatriotes — ou de ceux mêmes qu’il défendait.
L’ouvrage de Walden, Die Neue Malerei, développe la théorie de l’art expressionniste. Nous savons que l’expressionnisme est une tendance essentiellement germanique. Néanmoins, dans son exposé, l'auteur pose quelques axiomes, vrais partout et depuis toujours. Pour lui, comme pour nous, le monde optique est un monde en soi, différant absolument du monde extérieur, du monde des volumes qui n’est réellement perceptible que par le toucher. Nous sommes d’accord, mais où nous ne le sommes plus, c’est lorsque, partant de ces prémisses, il veut nous opposer un subjectivisme plus exclusif encore que le subjectivisme prémoderne. Nous cherchons de nouvelles règles et il trouve de nouvelles raisons pour les détruire d’avance. C’est là mon seul grief. Car il y a de plus dans son exposé quelques pages bien dites, pour lesquelles nous lui devons de la reconnaissance, et où la démonstration la plus précise s'alimente d’hùinôur. « Nous ne voyons pas tout à coup en perspective, dit-il, nous apprenons d’abord à voir en perspective. De plus, pourquoi orienter l’image? Nous n’avons pas l’intention de nous promener sur l’image, d’y prendre un bain ou de nous y asseoir! Toute la nature est moquée lorsque nous voyons une image impressionniste à l’envers. Brusquement, l’eau se change en ciel...» Au contraire « 'limage vraiment artistique peut être vue de tous côtés, sans qu’elle perde ses qualités artistiques. Pour cette image, il n’y a pas non plus un phénomène de pesanteur. »
Remarquez que je ne tente pas de résumer ce petit livre, ce serait difficile. Il est extraordinairement condensé et complété par des reproductions allant de Kandinsky à Léger.
Adolf Behne a trouvé la meilleure méthode pour confondre les passéistes. Son livre, Die Ueberfahrt am Schreckenstein , se base sur l’analyse d’une œuvre portant ce titre, peinte vers i 85 o par Ludwig Richter qui occupa dans l’art allemand de cette époque une place honorable. Behne en explique le plan et l’inspiration en s’aidant du journal de voyage du peintre. Il découvre les raisons de l’harmonie et du succès et dégage les lois d’équilibre plastique appliquées peut-être inconsciemment, mais nécessaires à toute œuvre qui veut être viable. t
La plastique pure, pour laquelle ces lois, s’exprimant plus clairement encore grâce à la sensibilité actuelle, et appliquées rigoureusement et consciemment, sont le seul élément, ne pourrait-elle donc émouvoir au même titre qu’une œuvre simplement représentative? Quelques listes de ce genre sont utiles. Qui les aura lus ne pourra plus considérer de bonne foi les plasticiens comme des fantaisistes ou des ignorants.
Suisse
Dans Das Werk, décidément une des plus luxueuses et des plus vivantes revues d’architecture actuelle, l’architecte Hannes Meyer de Bâle présente son œuvre, la Cité Freidorf. Hannes Meyer est un apôtre de la coopération. On se rappelle la participation suisse à l’exposition de la Coopération à Gand et le théâtre Co-op. Aussi, Freidorf doit être pour nous un enseignement : i 5 o familles, 620 habitants, de races, de religions, de situations sociales différentes, y vivent en coopération. Tout y est coopératif :